Dans la revue « Social Theory & Health » du 4 juin 2024, Vincent Dumez et Audrey L’Espérance esquissent une classification du savoir des patients en six catégories. Leur intention : valoriser ces expériences : « Dans un contexte où le savoir des patients est constamment sous-évalué, les patients eux-mêmes ne sont pas toujours conscients de la variété des connaissances qu’ils ont acquises et de la valeur qu’elles peuvent avoir dans la construction de relations de soins plus équitables. » Ils soulignent : « La non-reconnaissance des savoirs des patients par les classes intellectuelles dominantes dans les soins de santé a été décrite par certains comme une oppression épistémique (Dotson,2014), mettant ainsi en lumière l’une des nombreuses formes de déséquilibres de pouvoir qui caractérisent les relations de soins.
Quels sont les 6 catégories de savoir des patients ? D’abord la connaissance incarnée, sensorielle, ancrée dans les sensations physiques (douleur, soulagement, inconfort, niveau d’énergie, etc.) et les perceptions du corps et de l’esprit. « L’expérience du corps malade ou handicapé permet la conceptualisation de soi et des autres et contribue ainsi au positionnement social.
Second savoir : la connaissance du suivi, qui s’apprend par la gestion continue de son corps soumis aux technologies médicales. « Les patients savent prendre leur tension ou leur glycémie, savent s’injecter des médicaments, et savent quelles doses de médicaments sont les plus appropriées à quel moment pour quel usage, etc. Ils savent aller au-delà des protocoles standard et appliquer les « codes » de la médecine dans le cadre d’une organisation « personnalisée » des soins, fondée sur la connaissance de leur corps et de leurs propres réactions physiologiques, psychologiques et émotionnelles aux traitements et aux soins. » Elle est utile, selon les chercheurs « pour atteindre un objectif individuel d’autosoins. »
Troisième savoir des patients : la connaissance en matière de navigation. Selon les chercheurs, elle s’acquiert « en utilisant le système, en se perdant dans les structures institutionnelles et en apprenant où se trouvent les services et comment y accéder le plus efficacement possible. »
Quatrième atout, la connaissance médicale, résultant de deux facteurs : la rencontre avec les professionnels médicaux et la recherche d’informations sur les symptômes et les types de traitement.
Vient ensuite le savoir relationnel qui permet aux patients « de savoir à qui s’adresser au sein de leur communauté pour accéder aux soins dont ils ont besoin, les aider à gérer leur maladie et les soutenir dans leurs objectifs de vie. » Il est également utile pour « apprendre les rôles que chaque acteur joue au sein de l’équipe de soins, à connaître leurs spécialités et leur complémentarité, à savoir comment coordonner leur travail ou éviter les conflits »
Dernière catégorie de savoir des patients : les connaissances culturelles. Une conscience des visions sur lesquelles la perception sociale de la maladie s’est construite, qui influencent la manière de la communiquer. Les chercheurs donnent l’exemple de « la parenté, de l’âge et du sexe comme indicateurs importants pour déterminer qui a le droit de connaître et de discuter d’informations relatives à la santé avec une autre personne ou à propos d’une autre personne.
Cet article décrit l’ensemble des savoirs développés par les patients en lien avec leur expérience de la maladie et des soins. Le patient n’étant pas uniquement sa maladie, au Laboratoire des Patients, en plus de ces savoirs fondamentaux qui constituent un apport inestimable en recherche en oncologie, nous nous intéressons également à toute autre aptitude ou compétence développée dans la vie privée ou professionnelle, qui favorisera l’intégration d’un patient dans le partenariat en recherche.
Dumez, V., L’Espérance, A. Beyond experiential knowledge: a classification of patient knowledge. Soc Theory Health (2024). https://doi.org/10.1057/s41285-024-00208-3
Image: https://link.springer.com/article/10.1057/s41285-024-00208-3/figures/1